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SASCHA ET SASCHKA.

scrupule de les quitter tout à fait. Il demeura au dehors et regarda de temps à autre dans la chambre, à travers la fenêtre encadrée de vigne vierge. Saschka était aux pieds de Marga et l’embrassait avec l’amour le plus tendre. Dans sa joie il ne pensait point être indiscret en lui manifestant ainsi ses sentiments.

« Comme ils s’aiment ! pensait le curé : c’est vraiment comme ma femme et moi ! Que Dieu bénisse donc leur union. Nous quitterons la scène de ce monde, puis d’autres prendront notre place, mais, si nos enfants s’aiment, nous vivrons avec eux une seconde jeunesse.

— On vous a trouvé un mari, Marga ? dit Saschka.

— Qui vous a dit cette nouvelle ?

— Karol.

— L’indiscret ! Et a-t-il ajouté que je ne veux pas entendre parler de cet homme ?

— Oui, en effet, il me l’a dit aussi.

— Alors vous savez tout, continua Marga ; je vous prierai donc d’être prudent à la maison, non pas que je veuille dissimuler l’amour que j’ai pour vous, mais ce serait vraiment si triste que vous ne puissiez plus venir nous voir !

— Vous serez contente de moi, Marga. »

Le lendemain, Saschka se rendit au château ; il y trouva le baron et Kasimira, qui était vraiment belle avec sa robe claire, à manches courtes, et une rose foncée dans sa noire chevelure. Saschka et le baron se toisèrent d’un long regard, et chacun d’eux sentit aussitôt qu’il avait devant lui un adversaire, un rival.