Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
73
SASCHA ET SASCHKA.

voisins de près ou de loin, se rendirent au château Zagoinski afin d’y resserrer les liens d’ancienne amitié qui les unissaient : c’est un vieil et bon usage en Pologne. Ce jour-là, dans chaque famille, la table est ouverte à tout le monde. Dans trois chambres de leur maison, les Zagoinski avaient dressé plusieurs tables sur lesquelles s’élevaient des pyramides d’assiettes, des quantités de bouteilles et des plats gigantesques remplis d’œufs coloriés, de jambons, de saucisses, de divers rôtis et de pâtisseries de toutes les formes imaginables. Chacun se servit à sa guise ; on mangea et l’on but à son gré ; la maîtresse de la maison offrit une parcelle de son œuf à chacun de ses hôtes, et, son époux s’adressant à tous les convives, le cristal des verres retentit joyeusement.

La comtesse Rutboska vint un peu tard, mais c’était à dessein ; elle parut accompagnée du jeune baron son frère, qu’elle présenta d’abord à M. et à Mme Zagoinski, puis à leurs deux filles. Marga rougit un peu, et le baron frisa ses petites moustaches noires à la vue de la belle enfant, qui, parée de sa robe chatoyante, était plus éblouissante que jamais. Ce début promettait beaucoup.

Tout alla à souhait pendant le reste de la soirée ; le jeune baron s’entretint constamment avec Marga, ce qui ne contentait nullement les autres jeunes personnes ; elle reçut ses hommages avec un certain embarras mêlé de fierté. La comtesse vint enfin se joindre à eux ; elle lissa la belle chevelure de la jeune fille, et caressa de ses doigts mignons les manches de la robe rose, ornées de dentelle.