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SASCHA ET SASCHKA.

tenir une lutte longue et pénible, mais elle triomphera de tout par sa patience. Je ne doute pas plus d’elle que de moi-même. »

Après une légère pause, le curé reprit, tout en traçant avec sa canne des figures sur le sable :

« Alors, vous vous écrirez ?

— Oui, mon père.

— Mais pas par la poste ?

— Ce serait dangereux.

— Peut-être ouvrirait-on vos lettres.

— Karol, le frère de Marga, m’a offert de mettre mes lettres dans les siennes.

— Non ; cela pourrait aussi être découvert », s’écria le curé.

Puis, se rapprochant de son fils :

« Je sais comment il faudra faire : tu m’enverras tes lettres ; je les donnerai à la jeune fille, et je t’enverrai les siennes.

— Tu veux bien faire cela ! » s’écria Saschka.

Puis il se mit à baiser les mains du curé.

« Ô cher, excellent père !

— Pourquoi tant de paroles ? C’est bien le moins que je puisse faire pour toi. »

Deux jours plus tard, dans l’après-midi, le jeune homme faisait une dernière visite à la famille Zagoinski. Il prit seulement le soir, à la porte du jardin, congé de Marga, qui l’y attendait à la faveur de l’obscurité, tandis que son frère montait la garde. Ils se dirent une fois encore ce qu’ils s’étaient répété mille fois, et se tinrent enlacés comme s’ils eussent voulu ne jamais se séparer ; puis un dernier baiser se fit