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SASCHA ET SASCHKA.

en or massif, que le moine préposé à la garde du trésor des offrandes reçut avec un bienveillant sourire.

Saschka était resté dans la bourgade. Quand ces dames eurent accompli heureusement leur vœu, elles retournèrent à l’auberge Au roi Sobieski, où le jeune homme les attendait. Ils soupèrent ensemble et passèrent encore une nuit douce et paisible. Le lendemain, Marga fut la première debout, elle peigna sa luxuriante chevelure, tressa ses nattes, s’habilla promptement, puis alla frapper à la fenêtre de Saschka. Les deux jeunes gens allèrent sur les chemins tapissés d’herbe et humides de rosée ; ils parlèrent de leurs amours, et, dans les sillons plantés de choux et de raves, ornés de tomates, les tournesols semblaient diriger curieusement vers eux leur noir visage mauresque ; les jeunes gens éprouvaient autant de bonheur que s’ils se fussent trouvés au milieu des roses de Schiraz ou dans le jardin enchanté d’Armide. En retournant au pays, ils aperçurent dans les champs, dans les bois, dans les marais et les prairies mille beautés qu’ils n’avaient point remarquées la première fois. L’immensité du ciel et le ruisseau écumeux leur offrirent aussi de nouveaux charmes. Un petit coquillage trouvé sur le sable du rivage les ravissait comme s’ils eussent découvert un nouveau monde dans l’infini du ciel ; ils s’arrêtaient pour écouter un merle qui du sommet d’un poirier faisait entendre son harmonieuse chanson ; ils ne pouvaient se lasser de considérer les formes bizarres que présentaient les nuages aux lueurs rouges du crépuscule.

Quand on fut de retour au château, M. Zagoinski