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SASCHA ET SASCHKA.

« Pardonne-moi, dit soudain Karol, si je pénètre tes secrets : tu aimes ma sœur ; inutile de répondre, je suis sûr de ce que je dis, et je sais qu’elle t’aime en retour. Tu peux compter sur elle et sur moi, frère ; je te soutiendrai. »

Saschka serra en silence la main de Karol, il était trop ému pour parler. Il alla dès lors tous les jours au château pour avoir des nouvelles de Marga, et chaque jour il en revint plus triste et plus inquiet. Au lieu de s’améliorer, l’état de la jeune fille s’aggravait de plus en plus, et la figure du médecin qui allait la voir tous les soirs n’annonçait rien de bon.

« J’aurai le pied ankylosé, dit Marga à Saschka dans un moment où ils se trouvaient seuls, et vous aurez une femme infirme, si toutefois vous voulez bien encore me prendre », ajouta-t-elle avec un triste sourire.

Le jeune homme lui baisa la main avec tendresse, et la regarda de telle façon qu’elle le comprit sans qu’il eût besoin de rien lui dire.

« N’en parle point à ton père, murmura dame Zagoinska la nuit suivante à l’oreille de sa fille dont les douleurs devenaient plus violentes ; nous allons faire ensemble le vœu que, si tu guéris et si tu peux marcher comme auparavant, nous irons à pied faire un pèlerinage à Olida, et nous porterons à la Vierge un ex-voto en or. Qu’en dis-tu ?

— J’en fais le vœu avec toi, répondit Marga.

— Il faut que ton père n’en sache rien, répéta sa mère : tu le connais, c’est un libre-penseur qui ne lit que cet affreux Voltaire ; il se moquerait de nous,