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SASCHA ET SASCHKA.

« As-tu perdu la tête, toi qui veux amener un tel personnage à la maison ? dit Zagoinski.

— Le fils d’un pope ! ajouta dame Zagoinska ; pourquoi ne pas introduire tout de suite chez nous un bohémien ou un juif ?

— Heureusement qu’il fait chaud, s’écria Vanda, la sœur de Karol ; cela fait qu’on pourra ouvrir la fenêtre s’il répand une odeur désagréable.

— J’espère qu’il sait du moins se servir d’un mouchoir », ajouta Marga, la moins âgée des filles de Zagoinski.

Karol ne prononça pas une parole. Il était sûr de son fait, et, quand le lendemain dans l’après-midi plusieurs jeunes femmes et jeunes messieurs du voisinage vinrent voir ses parents, il fit atteler et alla chercher Saschka, car il savait que sa vue suffirait pour faire tomber tous les préjugés.

Lorsque le fils de Sascha descendit de voiture, légèrement et avec grâce, devant le château, les jeunes filles se trouvaient toutes à la fenêtre de la salle à manger, comme s’il se fût agi de l’exhibition d’un animal sauvage.

« Eh bien, dans tous les cas c’est un joli garçon », dit Vanda.

Karol introduisit son ami dans l’appartement et le présenta. Le maintien de Saschka était tout à la fois assuré et modeste ; sans faire de cérémonies, il prit place avec les autres invités autour de la table qui était servie ; puis, avec la brièveté et dans le langage d’un homme instruit, il répondit aux questions qui lui furent adressées par le maître et la maîtresse de la maison.