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SASCHA ET SASCHKA.

en fréquentant le soir les théâtres ou les réunions.

Saschka loua une chambre chez un modeste fonctionnaire public dont il partagea les repas ; puis il consacra ses heures libres à donner des leçons à des enfants de bonne famille, de sorte que ses parents purent bientôt se dispenser de pourvoir à ses besoins. Il sortait rarement le soir ; néanmoins il allait quelquefois au théâtre pour voir une pièce de Schiller, de Gœthe ou de Shakespeare. Il se plaçait alors modestement au paradis.

Le plus souvent le jeune homme se livrait à l’étude pendant ces heures silencieuses et bénies qui s’écoulaient paisiblement à la lueur d’une lampe. Tous les samedis soir Saschka écrivait à son père une lettre ou plutôt un véritable volume, et tous les vendredis il recevait de la maison une épître non moins longue ni moins intéressante.

Les professeurs ne tardèrent pas à remarquer l’application et les aptitudes du jeune homme, et les meilleurs élèves de l’Université commencèrent à se rapprocher de lui. Saschka se lia d’une étroite amitié avec un jeune Polonais, Karol Zagoinski, fils d’un propriétaire dont les domaines se trouvaient situés non loin de Visla.

Le fruit défendu a des attraits particuliers pour les jeunes esprits et les jeunes cœurs ; et, comme à cette époque presque tout était interdit sous la domination paternelle d’un Metternich, il se forma bientôt, sous la direction de Saschka, une ligue secrète qui, à vrai dire, n’avait rien d’occulte, si ce n’est que les étudiants de toutes les facultés qui en faisaient partie discutaient