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SASCHA ET SASCHKA.

zaine d’histoires plaisantes, grâce auxquelles chacun croyait avoir fait une chasse superbe. Il avait soin lorsqu’il se trouvait dans l’intimité, chez le curé Homutofko, de chercher dans son répertoire ce qu’il contenait de plus touchant, et il parvenait souvent à se pénétrer lui-même d’une émotion telle, que sa voix s’éteignait et qu’il versait des larmes. Ce grand pourfendeur, qui avait été autrefois chef de file aux grenadiers, était néanmoins capable de devenir parfois sentimental. Quand la lune éclairait sa chambre, il lui arrivait de rester pendant la moitié de la nuit devant son pupitre et de jouer sur sa flûte de douces et tendres mélodies, telles que : « Dans la solitude, je ne suis point seul », ou : « Chez les cœurs qui ressentent de l’amour», ou bien encore : « Papageno désire une jeune fille ou une petite femme ». Silvaschko ne pensait plus alors à se quereller avec sa cuisinière Urscha, avec laquelle il était en guerre perpétuelle, tout comme son chien avec sa chatte tigrée ; et, de même que celle-ci s’entendait à conserver toujours la meilleure place près du feu ou de l’armoire, Urscha, pour en imposer à son maître, avait soin d’appuyer ses points sur ses hanches arrondies, à la hauteur de sa fourrure de peau de mouton, puis elle agitait ses fuseaux avec bruit. Malgré leurs querelles incessantes, le maître et la servante étaient devenus, avec le temps, indispensables l’un à l’autre : Urscha n’aurait pu vivre sans voir les moustaches et le képi usé de Silvaschko, et lui n’aurait pu se passer de la vue des bottes rouges et des yeux méchants de sa domestique.

L’enfance et la première jeunesse de Saschka se