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SASCHA ET SASCHKA.

tous ses entretiens se terminaient par une querelle. Puis il se promenait sous les fenêtres des comtesses et écrivait de tendres lettres aux princesses. Il est vrai qu’il ne recevait point de réponse et que les comtesses ne faisaient pas attention à lui ; il demeurait néanmoins convaincu que sans les intrigues de ses jeunes camarades il aurait fait un mariage très aristocratique.

Silvaschko avait appris à lire et à écrire au régiment ; on lui avait aussi enseigné la langue allemande.

Quand il fut nommé officier, il acheta avec ses économies des livres chez les bouquinistes, et il montra un véritable goût pour les sciences. Ce fut le lien qui l’unit à Sascha, quand, après un dernier duel où il perdit un bras, il retourna dans son pays natal avec la pension de lieutenant en retraite. Sa mère était morte ; son père, lui, eut encore la joie de presser la tête de son fils entre ses mains tremblantes et de l’embrasser ; il était fier d’aller chaque dimanche à l’église avec lui, et sa joie était doublée par l’uniforme que Silvaschko n’oubliait jamais d’endosser, et par l’épée qu’il portait au côté.

Peu de temps après, le vieillard mourut, lui laissant en héritage sa maison et son champ.

Dans le cercle de Kolomea on n’aurait jamais songé à organiser une partie de chasse sans le lieutenant en retraite ; il se trouvait bien quelques tireurs plus habiles que lui, mais personne n’était un aussi agréable conteur. Si, par exemple, on n’avait tué qu’une pièce de gibier, l’ex-militaire racontait une dou-