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SASCHA ET SASCHKA.

dier. Puis ils s’interrogeaient mutuellement ; mais le père négligeait singulièrement le latin ; il finit même par ne plus s’en occuper. Un répétiteur inattendu se présenta alors pour le remplacer : Spiridia prit en main la grammaire, et ce fut elle qui dès lors s’exerça d’abord avec Saschka, puis avec tous ses autres fils, à parler la belle langue de Cicéron et de Virgile. Durant ces leçons la jeune femme se tenait assise, les sourcils légèrement froncés, l’œil fixé d’un air sévère sur les petits garçons, et tenait entre ses jolies mains le livre défraîchi, orné de nombreuses cornes ; elle ressemblait alors à Junon courroucée, et exprimait souvent son mécontentement d’une manière très expressive, au moyen d’une règle qui se trouvait à côté d’elle.

Quant à Saschka, les leçons qu’il prenait avec le lieutenant Silvaschko lui étaient beaucoup plus agréables. Le vieux soldat lui apprenait en secret à se battre au fleuret et au sabre, et il intéressait son élève par des récits de toutes sortes, des scènes de combats, des aventures de chasse, des rivalités d’amour et des histoires de duels.

Silvaschko était le fils d’un paysan de Visla. Entré dans l’armée à vingt ans, il servit l’empereur pendant un nombre égal d’années, sans jamais encourir la moindre punition et parvint au grade d’officier. Le seul fait de se voir orné du porte-épée doré le transforma complètement ; autant sa conduite avait été jusqu’alors exemplaire, autant il devint tout d’un coup d’une humeur belliqueuse et insupportable. Il n’était pas un jeune lieutenant qui n’eût maille à partir avec lui, et au bout d’un an de garnison à Vienne