Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
33
SASCHA ET SASCHKA.

sées, où l’on boit du champagne dans des bouteilles cassées, et où les jolies femmes portent des vestes garnies de zibeline avec des bas déchirés. Tout était donc pour le mieux ; quand le curé et sa gracieuse épouse firent leur entrée, ils furent accueillis par des enfants aux joues roses, qui jetaient des fleurs sur leur passage. Peu de temps après, lorsque Spiridia eut établi son empire au presbytère, elle y fit régner de plus en plus le confortable et une noble simplicité.

Inutile de dire qu’elle exerçait un pouvoir illimité non seulement sur son mari, mais aussi dans toute la maison. Jamais cependant sa domination ne se faisait lourdement sentir. Elle était toujours de bonne humeur et voulait voir les autres satisfaits. Tout en étant son mari, Sascha était encore un véritable amant ; pouvait-il y avoir au monde quelque chose de plus beau que Spiridia ? Il suffisait qu’elle mît un chapeau pour la première fois, qu’elle fît au marché l’acquisition d’une paire de bottes rouges, ou qu’elle relevât ses manches quand elle pétrissait un gâteau, pour mettre son mari dans le ravissement.

Dans la paroisse de Visla on n’aurait pas fait la moindre dépense sans que dame Homutofko en eût eu connaissance et y donnât son acquiescement. Il n’était mouche qui prît une petite place sans l’autorisation de la jeune femme. Certaines gens allaient jusqu’à dire très sérieusement que personne dans Visla n’était né ni ne mourrait sans sa permission. Ce qu’il y a de sûr, c’est que ceux qui voulaient se marier allaient la trouver avant de se rendre près du curé ; c’est que