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SASCHA ET SASCHKA.

aîné, ils continuèrent à vivre l’un pour l’autre, ce qu’on pouvait constater au premier coup d’œil.

Avec les enfants vinrent les soucis ; il y eut souvent des moments pénibles à traverser, mais les âmes courageuses, les cœurs aimants ne se laissent ni décourager ni abattre.

« La patience est vraiment ce qu’il y a de plus précieux, disait souvent Sascha ; elle est préférable à l’énergie, à l’esprit, au talent et à la persévérance. »

Il prouva par lui-même la justesse de cette sage maxime. Il finit par triompher de tous les obstacles et devint, beaucoup plus tôt qu’il n’eût osé l’espérer, curé de Visla, dans le cercle de Kolomea, tout près de son pays natal. C’était un grand pas vers son but.

Un lieutenant auquel on donne tout à coup le commandement d’un régiment, une pauvre fille qui, d’un jour à l’autre, devient une riche bourgeoise, ne peuvent être plus heureux que ne le fut Sascha. Pourtant sa nouvelle existence n’était pas beaucoup plus belle que celle d’un paysan aisé ou d’un petit propriétaire ; mais le jeune curé et sa femme étaient tellement habitués aux soucis, à la peine et au travail, que leur nouvelle situation leur parut très brillante, puisqu’elle leur permettait de se procurer plus que le nécessaire.

Le village de Visla était l’un des plus grands et des plus riches du pays. Il avait pour propriétaire un seigneur de la Petite-Russie, au cœur bon et d’un commerce agréable. Le presbytère se trouvait au milieu d’un grand jardin, et avait vue sur un château coquet et bien tenu, qui ne ressemblait point à ces hôtels polonais, aux meubles de damas et aux vitres bri-