Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
SASCHA ET SASCHKA.

sans cesse de nouveaux aliments à l’intelligence de l’enfant.

Mais le plus grand plaisir du desservant était de s’asseoir sur le divan, son fils sur ses genoux, et de lui raconter, non pas ces vieux petits contes dont on amuse ordinairement les enfants, mais des conceptions beaucoup plus belles, sorties de l’imagination des poètes, ou bien des faits historiques. Alors les héros et les sages des temps anciens passaient devant les yeux de l’enfant, et son pied foulait en même temps que les grands explorateurs le sol des continents et des pays étrangers ; il assistait aux combats des héros devant Troie, il suivait Ulysse dans ses aventures sur mer, accompagnait les croisés à Jérusalem, et Napoléon à Moscou. Pour Saschka, Colomb découvrait une seconde fois l’Amérique, et Cortez faisait de nouveau la conquête du Mexique.

Quand la belle ménagère arrivait enfin dans l’appartement, et s’asseyait commodément près de son époux en l’écoutant parler avec une attention bienveillante, un bras tendrement passé autour de son cou, il n’y avait pas dans le monde entier un homme plus heureux que le pauvre desservant ; il continuait ses récits jusqu’au moment où Saschka s’endormait dans ses bras, et où sa jeune femme lui fermait la bouche par un baiser.

Dans la suite, Spiridia donna encore plusieurs enfants à son époux ; il les aima tous avec une profonde tendresse, ainsi qu’un bon père seul en est capable, mais ils demeurèrent tous sous la dépendance exclusive de leur mère. Quant à Sascha et à son fils