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SASCHA ET SASCHKA.

revivre en lui toutes les tendances auxquelles il avait lui-même renoncé. Sa soif d’honneurs, ses grandes idées, ses hardis projets !

La tendresse et l’orgueil paternels de Sascha ne connurent bientôt plus de bornes. Il ne pouvait pas plus se passer de son fils que celui-ci ne pouvait se passer de lui. Aussi, dès que Saschka commença à bégayer, ce fut le mot papa que prononça d’abord sa bouche enfantine, et, quand il sut marcher, il sembla ne plus pouvoir quitter Sascha d’un seul pas.

Cependant les années s’écoulaient et l’enfant grandissait. Par les belles journées d’été Sascha l’emmenait dans toutes ses courses, et à chaque instant se présentait une occasion de l’instruire, d’attirer son attention sur ce qui l’entourait. Les plantes, les scarabées, les papillons, les minéraux curieux faisaient l’objet des leçons du prêtre à son fils.

Au milieu de leurs excursions ils découvrirent, un jour, dans les montagnes du voisinage, une caverne et un petit lac. Le dimanche suivant ils y retournèrent, munis de torches de pin et de marteaux.

Avant d’y pénétrer, Sascha demanda à son fils s’il avait peur.

« Je ne crains rien quand je suis avec toi.

— Et si un gros ours demeurait dans cet antre ?

— Il nous tuerait tous les deux, ou bien ni l’un ni l’autre. »

Quoique saisi d’une légère crainte, il entra dans la grotte sans hésitation et promena des regards étonnés, émerveillés, sur les stalactites nacrées qui étincelaient tout autour de lui à la lueur des torches, en revêtant