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LA MÈRE DE DIEU.

Il se faufila dehors, se tenant à la muraille.

« Pourquoi dois-je mourir ? demanda Sabadil.

— Dieu le veut ! répondit Mardona.

— C’est toi qui le veux ! murmura-t-il. Pourquoi me tues-tu ? N’ai-je pas cruellement expié ma faute ? Je n’aime que toi. »

Nimfodora le regarda, brusquement surprise.

« De quoi parles-tu ? reprit Mardona, d’une voix grave et bonne. Dans tout ceci il ne s’agit pas de moi ni d’amour, ou de péché et de pénitence. Quand un membre souffre, tous les autres membres souffrent par lui. Tu es un serpent dans notre Paradis. J’écraserai la tête à ce serpent. »

La nuit vint. La victime restait accrochée à la croix, muette et résignée. La lueur jaune des chandelles, les flammes du poêle et le clair de lune bleuâtre l’illuminaient de leurs teintes étranges.

« Mardona, dit Sabadil d’une voix brisée, mets une fin à mes souffrances, je t’en conjure.

— La mort seule peut y mettre fin.

— Eh bien, tue-moi, supplia-t-il, levant vers elle ses grands yeux enfiévrés, largement ouverts et pleins de reproches. Je mourrai de bon cœur, puisque tu l’exiges, et la mort me sera douce si c’est toi qui me la donnes.

— J’aurai pitié de toi, dit Mardona. Je te donnerai moi-même le coup de grâce.

— Je te remercie », répondit Sabadil.

Et il regarda avec une sorte de curiosité la Mère de Dieu choisir un clou, et prendre le marteau. Une sueur glacée l’envahit, son cœur battait à se rompre.