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SASCHA ET SASCHKA.

— Mais comment voulez-vous goûter un vrai bonheur au foyer domestique, reprit vivement Spiridia, sans avoir une femme que vous aimiez ? et où prenez-vous le temps de chercher un cœur ?

— J’ai songé à cela, dit Sascha, mais on le trouve sans chercher ; il nous arrive comme une révélation. La destinée parle et tout s’accomplit, parfois même contre notre volonté.

— Vous aimez, alors ? »

Et la pauvre fille soupira et retira la main que tenait le jeune homme.

« Est-elle belle, celle que vous aimez, et son esprit peut-il être à la hauteur du vôtre ? Dans ce cas je ne la connais point. »

Sascha inclina tristement la tête et garda le silence.

« Qu’avez-vous ? Pourquoi ne me répondez-vous pas ?

— Parce que je vois que celle à qui appartient tout mon être ne soupçonne pas à quel point elle m’est chère. »

Spiridia détourna la tête et se mit à pleurer.

« Maintenant vous savez à qui appartient mon cœur ; vous devez le savoir.

— Comment le saurais-je ? balbutia la jeune fille, je l’ignore. Demeure-t-elle dans la capitale ?

— Vous le demandez ? murmura Sascha. Qui pourrait vous voir, Spiridia, et ne pas vous aimer ?

— Moi ?

— Oui, vous ! »

Elle tourna lentement son visage vers le jeune homme et lui sourit à travers un voile de larmes.