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LA MÈRE DE DIEU.

Mardona. Ainsi, faites ce que je vous ai commandé. Que Dieu vous conduise ! »

Le traîneau sortit de la cour, lentement. Sur la chaussée, les chevaux partirent au galop. Mardona le suivit des yeux, longtemps, jusqu’à ce qu’il disparût à l’horizon, comme un oiseau. Puis elle soupira et rentra au temple, juger Sabadil.

Lorsque Sabadil, chargé de liens, fut amené à l’église, une foule compacte s’y pressait, inquiète et palpitante. Sabadil promena ses regards sur l’assemblée, et contempla ensuite Mardona, qui l’attendait. Elle était en grand costume de cérémonie. Elle avait mis sa grande pelisse de martre et ses bottes rouges. Elle était parée de bijoux d’or, de pierres fines et de colliers de perles. Des grains de corail s’entrelaçaient dans ses nattes blondes. Son visage était triste et pâle. Ses lèvres même étaient blêmes et crispées.

« Approche, Sabadil, commença-t-elle très calme. Mets-toi à genoux et avoue ta faute. »

Il tomba à ses pieds.

« Je reconnais, murmura-t-il faiblement, avoir blasphémé et offensé Dieu en ta personne.

— Reconnais-tu aussi que le diable a une grande puissance sur toi, qu’il te séduit fréquemment et qu’il t’inspire des doutes et même l’incrédulité ?

— Je le reconnais.

— Ton aveu même te condamne, Sabadil, dit Mardona d’une voix forte. Maintenant, réponds. Te sens-tu digne d’appartenir dorénavant à notre secte ?

— Non, je ne m’en sens pas digne.