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LA MÈRE DE DIEU.

essaya d’arracher au géant la bannière qu’il portait. Une mêlée horrible s’ensuivit. On se jeta de la neige, des pierres, des mottes de terre. Wewa fut précipitée à bas de son cheval, la bannière avec l’image de la sainte Vierge déchirée, et foulée aux pieds. Il y avait déjà des blessés dans les deux partis, lorsque Mardona arriva. À sa vue, les combattants se séparèrent.

Sa voix accomplit un vrai miracle. Elle n’eut pas plus tôt dit un mot, que les adversaires se calmèrent. Les injures cessèrent. Il se fit un grand calme. Au milieu de la cour se forma une place libre. C’est là que se tenait Mardona.

« Malheur à vous ! cria-t-elle, malheur à vous qui semez la discorde et la haine dans le jardin de l’Éternel ! Convertissez-vous, aveugles, repentez-vous avant que Dieu vous envoie ses foudres pour vous disperser et vous anéantir. Humiliez-vous, faites pénitence, et j’intercéderai pour vous auprès du Très-Haut.

— Toi ? cria Wewa, s’avançant à sa rencontre les poings fièrement campés sur ses hanches ; toi ! mais tu es toi-même damnée ! Je suis l’élue de Dieu. À moi, fidèles croyants.

— Dieu vous a livrés entre mes mains, s’écria Mardona, élevant les bras au ciel, avec une sainte dignité ! Un mot de ma bouche, et la terre s’ouvrira pour vous engloutir. Vous serez tous voués aux flammes éternelles si je n’ai pas pitié de vous, parjures ! »

Wewa fit un geste, dans l’intention d’assaillir Mardona à coups de poing. Malheureusement, son soulier rencontra un morceau de glace. Elle glissa et tomba tout étendue aux pieds de son ennemie. Celle-ci posa