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LA MÈRE DE DIEU.

c’est ta faute plutôt que la mienne. Comme je t’ai aimée ! et comme tu as récompensé mon amour !

— Tu blasphèmes, Sabadil, s’écria-t-elle. Accuses-tu l’Éternel de ce qu’il a compassion de toutes ses créatures, et pas seulement de toi seul ? Le valet a-t-il le droit de blâmer son maître de ce qu’il paye ses autres serviteurs et non pas lui seulement ? Qui es-tu ? Un pauvre pécheur. Je suis ton Dieu. Je suis ton maître. Que me reproches-tu ?

— Pourquoi m’as-tu menti en me faisant croire que tu m’aimais ?

— Je ne t’ai pas menti. Je t’aimais comme je n’ai jamais aimé personne, et je t’aime encore », répondit Mardona.

Sa voix frissonnait comme une corde brisée.

« Mais toi, tu m’as trahie ! Je t’ai toujours averti de ne pas voir en moi une femme ordinaire. Tu savais que, comme Dieu, j’aime tous ceux qui croient en moi, pas toi seulement ; tu savais aussi qu’il m’est impossible de répondre à ta passion. Tu n’as pas le droit de te plaindre. Et ne te justifie pas, Sabadil. C’était infâme à toi d’en aimer une autre, et de l’attirer ainsi sur ton cœur.

— Si j’ai péché, c’est l’amour que je te témoignais qui m’y a poussé, c’est aussi la jalousie, repartit Sabadil.

— Ne cherche pas à t’excuser, reconnais ta faute, continua Mardona. Repens-toi, repens-toi sincèrement, humilie-toi, livre-toi entre mes mains.

— Je suis assailli de doutes affreux, je le reconnais, dit Sabadil. Je veux croire à toi, et je ne le peux. Sou-