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LA MÈRE DE DIEU.

Sabadil venait de se livrer entre ses mains.

Après avoir passé la nuit dans une auberge sur la route de Kolomea, Sabadil se rendit de bon matin à Brebaki, à cheval. Lampad n’était pas à la maison. Sofia sourit fièrement lorsqu’elle vit rentrer Sabadil. Elle le fit asseoir à ses côtés, sur le banc du poêle, et envoya chercher Nimfodora. Mais celle-ci n’était pas encore de retour de Fargowiza. Sofia entreprit de distraire et d’égayer Sabadil. Cela lui réussit si bien, qu’il resta à Brebaki jusqu’au soir, jusqu’à ce qu’il commençât à faire sombre.

Il était fort tard déjà lorsque Sabadil rentra chez lui. Il conduisit son cheval à l’écurie, se rendit dans la grande salle, battit le briquet avec son couteau, de l’amadou et une pierre à feu, et alluma la chandelle qui était sur la table.

À la faible lueur qui éclairait la chambre, Sabadil distingua tout à coup Mardona. Elle était entièrement vêtue de noir. Elle était assise sur le banc du poêle, et l’attendait. Quelque courageux que fût Sabadil, il tressaillit cependant avec violence et eut peur. Il ne put prononcer une parole. Elle, au contraire, était fort calme et sereine. Son visage de madone était blanc, et rose, et pur, et tranquille, comme à l’ordinaire. Sa bouche rouge invitait aux baisers, ses belles mains étaient enfouies sous sa pelisse noire, chaudement. Ses yeux seuls perçaient Sabadil d’un regard scrutateur. On eût dit qu’elle voulait lire au plus profond de son âme et l’interroger.

« Je suis venue à toi, Sabadil, commença-t-elle de sa jolie voix caressante et mélodieuse, comme le bon