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LA MÈRE DE DIEU.

aussi bien que cet impie ici présent et les parjures qui se soulèvent contre moi. Je suis ici à la place de Dieu. Celui qui blâme le jugement de Dieu, je le rejette. Il ne m’appartient plus. Il est destiné à la géhenne.

— Punis-le toi-même ! dit Barabasch. Puis, juge et condamne ces parjures.

— Je ferai tout cela lorsqu’il en sera temps, repartit Mardona, toujours calme et très digne.

— Ô aveugles ! cria Sabadil. Ne voyez-vous pas qu’elle vous mène droit à la perdition ?

— Dieu parle par sa bouche, répondit Wadasch. Humilie-toi. À genoux, et adore !

— J’ai deux yeux, qui voient encore, continua Sabadil, et je ne me laisserai aveugler par personne. Je vois que vous rejetez le pape pour élire à sa place un pape femelle. Des caprices de fille sont pour vous des révélations divines. »

Barabasch poussa un cri rauque, un cri de fanatique exaspéré. Il se jeta sur Sabadil et le saisit à la poitrine. Celui-ci s’en débarrassa d’un violent coup de poing et l’envoya rouler sur le carreau, bien fort. Il s’élança dehors, ensuite, en courant, sauta à cheval et partit au galop. Une confusion terrible s’ensuivit. Tous criaient à tue-tête, et couraient comme des fous, à droite et à gauche, dans la salle. Barabasch se releva baigné de sang ; Anastasie apporta de l’eau ; Nimfodora se battait avec Turib, qui, un pistolet à la main, menaçait de se mettre à la poursuite de Sabadil. Il n’y avait que Mardona qui restât sereine dans cette mêlée. Elle souriait d’un sourire de triomphe, un pli d’ineffable dédain aux lèvres.