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LA MÈRE DE DIEU.

coraux, et cet autre petit fichu, noué au cou. Je la taquinai là-dessus, mais elle ne rougit pas. Non, et même elle me regarda d’un air courroucé, comme si c’était moi qui avais commis la faute. Elle est, pour ainsi dire, déjà corrompue par cette Sofia.

— Sofia Kenulla ?

— Oui, par elle ; c’est chez elle qu’ils se rencontrent, et qu’ils se divertissent tous ensemble, continua Sukalou. Cette Sofia est un serpent venimeux, et je puis jurer que Sabadil lui a fait cadeau d’une paire de boucles d’oreilles en vrai or. »

Mardona fut saisie d’un léger frisson. Sa main saisit convulsivement le bord de la table, et ses lèvres eurent un sourire humilié, haineux et ironique. Personne, cependant, ne remarqua ce qui se passait en elle. Personne ne devina ce qu’elle souffrait.

À peine Sukalou fût-il parti, que Mardona envoya Turib à Brekaki, en traîneau. Le soleil se couchait lorsque celui-ci revint avec Nimfodora ; celle-ci entra tout de suite dans la salle pour saluer la Mère de Dieu. Elle avait un foulard bleu noué dans ses cheveux noirs, le foulard dont Sukalou avait parlé. Elle frappa à terre de ses lourdes bottes pour détacher la neige qui les couvrait, et se débarrassa de sa pelisse d’agneau. Mardona vit alors qu’elle était parée d’un superbe collier de corail, et qu’elle avait au cou un petit fichu aux couleurs vives.

Mardona s’avança à la rencontre de son amie, et la prit par la main. Elle l’emmena dans sa chambre, traversant la cour sans proférer un mot. Quand elle fut chez elle et qu’elle eut soigneusement refermé la