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LA MÈRE DE DIEU.

lentement, il passa son bras autour de sa taille, doucement, avec tendresse ; il se pencha vers elle, et ses lèvres s’approchèrent de celles de la jeune fille. Elle le laissa faire. Elle frémit légèrement, comme prise d’un grand frisson. Et lui l’embrassa de nouveau, et encore, et toujours. Elle, elle s’attacha à ses lèvres, pâle, immobile, terrifiée de ce qui arrivait.

Le jour suivant, Sabadil se rendit chez Mardona. Il trouva Nimfodora avec elle. Ils échangèrent un regard, un seul. Sabadil comprit que la Mère de Dieu ignorait sa visite à Brebaki. Il n’y fit aucune allusion.

Nimfodora se laissa embrasser et choyer par Mardona ; mais elle ne lui rendit pas ses caresses. Elle était plus sombre encore que de coutume et plus blême. Elle regardait devant elle d’un œil fixe, comme si elle eût vu poindre quelque chose d’horrible dans le lointain, et qu’elle se sentît condamnée à le supporter. Sabadil la regardait. Il regardait aussi Mardona en poussant de longs soupirs.

Il y avait un souffle chaud dans l’air comme avant un orage. Par bonheur Turib entra. Il jeta avec colère sur le carreau son bonnet d’agneau noir et s’écria :

« Vous êtes là, assis, de parfaite humeur, vous vous divertissez, et pendant ce temps le monde est sens dessus dessous.

— Eh quoi ! demanda Mardona d’une voix gaie, que se passe-t-il ?

— Une révolte est en train de se faire. Et à la tête de cette révolte se trouve… Wewa.

— Wewa ! Wewa Skowrow, la veuve amoureuse ?