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LA MÈRE DE DIEU.

Lorsque la lune parut au-dessus du rideau sombre de la forêt, Nimfodora se prépara à retourner chez elle.

« Tu ne vas pas te rendre à Brebaki si tard ? demanda Mardona.

— Je le dois : mes parents m’attendent.

— Si vous le désirez, Nimfodora, je vous reconduirai.

— Je vous remercie et j’accepte.

— Non. Tu ne partiras pas, interrompit Mardona. Je te le défends. Tu as perdu trop de sang. Et on dit que des loups se montrent dans la contrée. Tu resteras auprès de moi. »

Nimfodora baissa la tête d’un air soumis.

« Ainsi vous restez à la métairie ? dit Sabadil.

— Je reste », balbutia Nimfodora.

Elle perça Sabadil d’un regard profond et mystérieux.

« Quelle fille étrange ! » se répétait-il en retournant chez lui, à la clarté d’un magnifique ciel d’hiver.

Il réfléchit longtemps. Mais il ne put la définir.

À partir de cette soirée, Sabadil rencontra presque chaque jour Nimfodora chez les Ossipowitch. Elle n’y était venue que rarement auparavant. Avec Nimfodora, cette enfant mélancolique, Mardona se départait de sa majesté et de son calme. Elles jouaient ensemble comme deux jeunes chats, s’ébattant et folâtrant à l’envi. Sabadil se tenait d’habitude dans quelque coin sombre de la pièce, observant ceux qui s’y trouvaient. Il remarqua que Nimfodora, elle, ne riait jamais. Lorsque les autres riaient, elle restait sérieuse, ou parfois souriait d’un sourire douloureux et vague. Souvent même