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LA MÈRE DE DIEU.

— J’en connais un, dit Sabadil. C’est une croyance très répandue dans le peuple…

— Dis-le-moi, s’écria Mardona, que je puisse me débarrasser de ces vilaines rides.

— Du sang humain, répondit Sabadil avec candeur.

— Du sang humain ! mais où en prendre ? »

Mardona n’avait pas achevé, que déjà Nimfodora avait arraché un couteau de la ceinture de Sabadil et s’était fait au bras une entaille profonde. Le sang coulait, chaud et rouge.

« Mon Dieu ! » s’écria Sabadil, tout effrayé.

Nimfodora avait pâli, ses lèvres avaient des tressaillements. Ses yeux sombres étaient fixés sur le jeune homme.

« Qu’as-tu fait ? murmura Mardona, es-tu folle ? » Elle lui enleva le couteau.

« C’est fini, dit Nimfodora avec un joyeux sourire. Voilà mon sang. Prends-le. Il t’appartient. »

Mardona saisit la jeune fille dans ses bras et couvrit son visage pâle d’ardents baisers. Sabadil examinait Nimfodora avec étonnement. Elle lui paraissait si étrange, si extraordinaire : une créature surnaturelle enfin. Mardona aussi l’étonnait, car, tout en assaillant Nimfodora de doux reproches, elle se lava bel et bien le visage de son sang. Elle prit même le bras de la jeune fille et y appliqua ses lèvres, buvant le sang qui coulait de la blessure. Elle apporta ensuite, sans se hâter le moins du monde, un mouchoir, le trempa dans l’eau froide et banda la plaie. Puis elle se remit à embrasser Nimfodora et à la caresser.