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La Mère de dieu.

haie, traversa la haute neige et se glissa sous les fenêtres de la Mère de Dieu. Elles étaient éclairées. Sabadil essaya de regarder à l’intérieur, mais les vitres étaient couvertes d’un givre si épais qu’il ne put rien distinguer. Par contre, il entendit distinctement un murmure lent et continu comme une prière. La jalousie se réveilla de nouveau dans le cœur de Sabadil. Il prêta l’oreille anxieusement. Il reconnut alors la belle voix forte de Mardona, accompagnée par une autre voix de femme, plaintive et triste. Sabadil fit pour la seconde fois le tour de la maison. Il vit la grande porte ouverte et se glissa, sans être vu, jusqu’à la chambre de Mardona. Les prières étaient terminées. Cependant Mardona et Nimfodora parurent surprises et même effrayées de l’arrivée de Sabadil.

« C’est toi », dit enfin la Mère de Dieu.

Nimfodora se tenait debout près de Mardona, cambrant sa taille fine et détournant un peu la tête, de manière à laisser voir son profil pur. Elle tenait les yeux baissés.

« Tu ne m’attendais pas ? demanda Sabadil.

— Mais si. J’ai envoyé chez toi Jehorig.

— Chez moi ?

— Certainement.

— J’étais décidé à ne plus revenir ici.

— Tu y es revenu, cependant. »

Mardona s’établit dans son fauteuil.

Nimfodora lui arrangea les nattes de sa chevelure, les lui lissa avec le peigne et s’agenouilla pour lui embrasser les pieds, avec une soumission d’esclave et une sorte d’extase dans le regard.