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LA MÈRE DE DIEU.

Ce qui l’irritait surtout, c’est qu’elle ne se départait jamais de son inaltérable sérénité.

Sabadil traversa la cour, blême, le regard morne. Il pouvait à peine se tenir ; il resta dans le corridor, à quelque distance de la porte de la salle, qui était entre-bâillée.

Il vit Mardona commodément assise sur une chaise, les bras croisés. Devant elle était agenouillée une jeune fille occupée à lui laver les pieds. Soudain, la Mère de Dieu aperçut Sabadil.

« Que fais-tu là ? lui cria-t-elle, et pourquoi ne viens-tu pas me saluer ? »

Sabadil s’inclina et baisa le pied nu de Mardona, que celle-ci lui tendit avec un sourire étrange.

Au moment où Sabadil se releva, la jeune fille qui lavait les pieds de Mardona se redressa d’un mouvement brusque et le regarda en face. Lui, ne vit qu’un doux visage pâle, encadré de mèches soyeuses de cheveux noirs et éclairé d’une paire de grands yeux sombres, langoureux et presque tristes. Chose singulière ! ce regard fit du bien à Sabadil. Il était si pur, si calme et si tendre, que le jeune homme se sentit soulagé et qu’il lui sembla en quelque sorte qu’un arc-en-ciel se dessinait au-dessus de sa tête. Et elle, celle qui venait de produire cette métamorphose, elle devint encore plus pâle, oh ! infiniment pâle ; mais elle ne se détourna pas. Son regard demeura attaché à celui de Sabadil, rayonnant et comme en extase.

« Nimfodora, essuie-moi les pieds », ordonna la Mère de Dieu d’un ton affable.