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LA MÈRE DE DIEU.

Zomiofalski renvoya le clerc sous un prétexte.

« Mardona Ossipowitch, dit-il d’une voix sourde,… il faut que je t’avoue que je… j’ai eu de toi une opinion absolument fausse. Tu n’es ni une méchante femme, ni une hypocrite. Tu as agi par conviction : j’aurais plaisir à te sauver, mais par quel moyen… ? oui, comment ? »

Il réfléchit un instant.

« Tu n’as rien d’une paysanne. Une grande dame déguisée n’aurait pas l’air plus distingué que toi… Tu as quelque chose de noble et d’original qui me plaît. Voilà, tout dépend surtout des dépositions des témoins.

— Personne ne témoignera contre moi, répondit Mardona avec une majestueuse assurance.

— Et Sofia ?

— Elle ne m’accusera pas.

— Où donc as-tu pris ces yeux-là ? » s’écria Zomiofalski.

Il étendit la main, dans l’intention de saisir Mardona au menton ; mais, au regard dont elle le perça, il recula, pour la première fois de sa vie peut-être.

« Tu es une sorcière ! s’écria-t-il. On devrait te noyer. Tu corromps un honnête homme !

— Comment oserais-je, demanda Mardona, et par quel moyen ?

— Par ton regard, avec tes yeux, belle sainte, dit Zomiofalski à voix basse. Tu te rends maîtresse de tes ennemis, et tu fais ce que tu veux de ton juge. »

Il prit la main de Mardona et la baisa à plusieurs reprises avec transport.