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LA MÈRE DE DIEU.

cieuse. Il lui parlait d’un ton plus doux ; il s’embrouilla dans son discours, et finalement perdit complètement le fil de ce qu’il avait à lui dire.

« Ah oui ! que voulais-je donc ajouter ?… Je crois que tu auras grand’peine à éviter la prison, reprit-il lorsqu’il se fut remis de son émotion. Nous ne pouvons pas te ménager, tu comprends ? Devant les lois il n’y a ni princes ni mendiants. Mais… peut-être auras-tu des circonstances atténuantes à faire valoir ? Parle, dis-moi tout sans crainte. Nous ne sommes pour votre secte ni des amis ni des ennemis. Nous voulons être justes. Tu objecteras, peut-être, qu’ainsi que toi la loi punit l’adultère et le crime ; sans doute. Mais nul n’a le droit de prévenir nos décrets. Ce… Comment s’appelle-t-il, cet homme… ? Il aurait dû porter plainte contre sa femme, tout simplement. Mais, je comprends,… ta vanité s’est sentie flattée du rôle que l’on t’attribuait. Il te plaisait, ce rôle de juge, auquel tu n’as cependant aucun droit.

— Lampad Kenulla aurait-il dû faire jeter sa femme en prison ? » demanda Mardona.

C’étaient ses premières paroles.

« Nous rendons la justice, et nous punissons poussés par l’amour chrétien, continua-t-elle ; c’est le bien de notre prochain que nous avons en vue. »

Zomiofalski sourit.

« Si tu fais lapider ceux que tu aimes, dit-il, je voudrais bien savoir ce que tu fais à tes ennemis.

— Je ne hais personne.

— Pas même moi ?

— Pas même vous. »