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LA MÈRE DE DIEU.

— Les décrets de l’Éternel sont insondables, répliqua Sukalou. Il m’envoie vers toi, comme il envoya l’ange à Marie.

— Puisque c’est la volonté de l’Éternel, dit Wewa qui avait repris tout son sang-froid et redressait fièrement la tête comme un cheval de traîneau, j’obéirai. Je vais revêtir tout de suite l’emploi saint qui m’est assigné. Je le remplirai en toute humilité, consciencieusement et fidèlement.

— Oui, sainte femme, oui, agneau pascal, j’en suis bien sûr, s’écria Sukalou. Et avant tout, n’est-ce pas ? tu viendras en aide aux malheureux, tu rassasieras les affamés, et tu donneras à boire à ceux qui ont soif. Tu me vois à tes pieds, Wewa ; j’implore ta pitié.

— Relève-toi », répondit Wewa.

Elle s’avança vers la table, portant une grande terrine de kasche. Sukalou la suivit, se léchant les lèvres avec gourmandise.

« Tiens ! — elle posa la terrine sur la table — assieds-toi près de moi, messager de Dieu. Nous allons manger ensemble, puis nous parlerons de nos projets. Lisinka ! Lisinka », où donc es-tu ?

Lisinka parut, souriant d’un air confus.

« Mardona est en prison, lui dit Wewa d’un air digne, et l’Éternel m’a élue pour la remplacer. Je suis maintenant votre Mère de Dieu. »

Lisinka tomba à genoux et adora Wewa.

« Lève-toi, mon enfant, reprit la veuve avec bonté, et assieds-toi. Nous allons souper. »

Lisinka obéit. Tout en mangeant, elle jetait sur Wewa des regards effrayés. Sukalou, lui, ne craignait