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LA MÈRE DE DIEU.

s’écria Sukalou. Mais laisse-moi parler. Le règne de Mardona a pris fin. Le tribunal l’a fait appeler. On va la mettre en prison.

— Pourquoi ?

— Parce qu’elle a fait lapider Sofia.

— Impossible !

— C’est pourtant vrai. Elle va être punie comme criminelle. Dieu l’a abandonnée.

— D’où sais-tu cela ?

— Il me l’a dit lui-même, affirma Sukalou.

— Dieu s’est révélé à toi ?

— Oui, Wewa, cette nuit, repartit Sukalou. Je dirais que c’était un songe si je n’étais parfaitement sûr de n’avoir pas rêvé. Je vis tout à coup surgir un grand nuage, d’un rouge de feu, ardent comme le buisson où l’Éternel s’est révélé à Moïse…

— Et il t’a dit ?…

— « J’ai rejeté Mardona, la fille d’Ossipowitch, et je choisis pour lui succéder Wewa, la veuve de Skawrow. C’est elle qui sera votre Mère de Dieu… Va la trouver, mon cher Sukalou, et annonce-lui cette nouvelle, — « remarque que Dieu m’a nommé son cher Sukalou, — « et adore-la ! »

Sukalou se jeta à genoux et embrassa avec frénésie les pieds de la veuve.

« Ô mon étoile, dit-il, jardin céleste, riche en joies et en béatitude, toi, bonheur des anges et reine des mortels !

— Mais… dis-tu bien la vérité ? demanda Wewa, dont le visage resplendissait. Pourquoi Dieu ne m’apparaît-il pas, à moi, pour m’annoncer sa volonté ?