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LA MÈRE DE DIEU.

nal, dit enfin Sukalou. Le cœur me tourne quand j’y songe… Ah ! que j’ai mal ! Verse à boire, bon Nilko. »

Il avala un second verre d’eau-de-vie.

« C’est à cause du châtiment infligé à Sofia Kenulla,… vous comprenez. Il paraît qu’elle est dangereusement atteinte. On va procéder à une enquête… Mon Dieu ! que je suis faible encore !… »

Il se coupa du pain et s’en remplit la bouche, avec du brindze.

« Ils ne veulent pourtant pas porter plainte contre Mardona ? » demanda Wadasch.

Sukalou hocha vivement la tête.

« On la conduira en prison ? » s’écria Turib.

Sukalou fit un geste affirmatif.

Jehorig courut vers Mardona pour l’avertir.

Dans la cour, des voix s’élevèrent. Puis Lampad Kenulla entra, accompagné d’un juif qui s’inclinait très bas, la bouche fendue d’un sourire embarrassé.

À leur vue, Sukalou se versa vite un dernier verre d’eau-de-vie, et prit une pincée de tabac, en détournant la tête.

« Mauvaises nouvelles ! dit enfin Kenulla ; cet homme… — il désigna le juif — arrive de la ville, et il assure qu’on va faire prisonnière notre Mère de Dieu.

— Nous le savons, répondit le vieil Ossipowitch d’un ton grave. Mais nous ne craignons rien.

— Sukalou, qui arrive de la ville, nous a appris la nouvelle, ajouta Anuschka.

— Sukalou ! » s’écria le juif très désappointé.

Il cessa de s’incliner, et ne sourit plus.