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LA MÈRE DE DIEU.

chabées. Et de tous les côtés on commença la lapidation. Des pierres, de la boue, de la neige, des mottes de terre, furent lancées à la tête de la malheureuse. Elle s’enfuit, affolée, à travers les rues. Les justiciers se jetèrent à sa poursuite, en hordes sauvages, avec des cris et des hurlements. Mardona assistait à ce carnage, montée sur son cheval, allant au pas.

Sofia se soutenait à peine. Le sang ruisselait de ses épaules, de sa poitrine nue. Son visage était couvert de boue et d’ordures.

À trois reprises, Sabadil, dont le cerveau bouillait d’indignation, voulut s’élancer au secours de la pauvre femme et la protéger de son corps. Mais Mardona était là. Elle ne le perdait pas de vue. Et Sabadil se sentait lié, retenu par une force inconnue qui le faisait souffrir et paralysait ses membres. Il ne bougea pas.

Devant l’église, sur la place, Sofia tomba, complètement inanimée. Son front donna contre les sabots du cheval de Mardona. Celle-ci contempla un instant le corps de son ennemie, gisant dans la boue. La Mère de Dieu était pâle, mais un sourire de satisfaction passa dans son regard. Elle étendit la main.

Déjà un enfant, par un excès de zèle comique, soulevait péniblement une énorme pierre pour fracasser la tête de Sofia, lorsque la Mère de Dieu l’arrêta du geste.

« J’aurai compassion, dit-elle avec un plissement orgueilleux des lèvres. Je lui fais grâce de la vie. Je lui pardonne ses péchés et son inconduite. »

Sabadil se tenait à quelque distance, considérant