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SASCHA ET SASCHKA.

curé avec embarras, et ma fille a fauché de l’herbe pour notre vache laitière, autant pour sa distraction que par utilité.

— De quoi aurais-je honte ? dit Spiridia tandis qu’elle jetait de côté sa faux, je ne suis point une demoiselle polonaise, et Dieu n’a pas fait mes mains pour jouer du piano.

— Nous descendons de l’antique noblesse des Boyards qui vivait au temps du prince Roman de Habitsch, fit remarquer le curé.

— Mais va donc t’habiller », reprit dame Nogaïska d’un ton de reproche.

Spiridia s’éloigna, et sa mère, qui trônait comme une divinité chinoise, invita les deux théologiens à prendre des sièges.

« Vous saurez que Spiridia est, pour ainsi dire, mon fermier, dit le curé, tandis qu’il commençait à bourrer les pipes pour ses hôtes ; mais elle s’occupe aussi de sciences et, grâce à Dieu, parle même un peu latin. D’autre part, sa sœur cadette joue du violon. Il est difficile au pays de donner à ses enfants une instruction suffisante. Dans ma jeunesse j’ai été à Lemberg ; il y existe un pensionnat et même une bibliothèque où l’on peut faire son éducation et où les professeurs disent comme les apôtres : « Ce que l’on trouve ici ne s’achète pas avec de l’or ».

Tandis que son ami continuait à s’entretenir avec le curé et sa femme, et que leur plus jeune fille, s’étant habillée, mettait le couvert, Sascha quitta furtivement la chambre pour aller rejoindre Spiridia. Après l’avoir cherchée en vain au jardin, dans la cour