Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/217

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
208
LA MÈRE DE DIEU.

ner. Les autres pèchent après un bon repas, de copieuses libations ; chez moi, c’est tout le contraire. Ce n’est que lorsque je suis à jeun que me viennent les mauvaises pensées. Quand j’ai bien mangé, lorsque j’ai bu de l’excellent vin, il n’y a pas au monde d’homme plus pur, plus pieux, de caractère plus honnête, plus loyal que moi. J’ai péché envers toi, je le reconnais. Mais, si je me rappelle bien, j’avais faim, le jour que je t’ai vendu les peaux de martre ; oui, j’étais très affamé, et de là possédé du diable !

— J’ai prononcé ton jugement, répéta Mardona d’un ton calme. Dieu a parlé par ma bouche. Tu obéiras, et durant trois jours tu jeûneras comme je te l’ai ordonné.

— Je ne peux pas ! je ne peux pas, gémit Sukalou ; je ne peux réellement pas.

— Ne crains rien, continua la Mère de Dieu avec un sourire, mon amour viendra en aide à ta faiblesse. Enfermez-le dans le caveau qui se trouve dans ma maison ! Faites ce que j’ai ordonné. »

Wewa, Turib et Wadasch s’emparèrent de Sukalou, qui se débattait avec violence. D’autres le poussèrent par derrière. Il fut entraîné dans le caveau et mis sous les verrous.

« N’y a-t-il personne ici qui se sente coupable, reprit Mardona, ou qui ait à porter plainte contre son prochain ?

— Moi, sainte femme, s’écria Lampad Kenulla en conduisant sa femme devant le trône de Mardona. Je porte plainte contre ma femme. J’exige que tu la châties au nom de Dieu.