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LA MÈRE DE DIEU.

— Je te pardonne, dit Mardona en le baisant au front. Mais le salut de ton âme exige que tu t’humilies et que tu fasses pénitence. Ta fierté, ton orgueil doivent être traînés dans la fange. Tu vas te coucher le visage contre terre en travers de la porte, près du seuil, et ceux qui entreront, comme ceux qui sortiront, te fouleront aux pieds. »

Barabasch se leva, marcha en chancelant vers la porte et se jeta sur le carreau, couvrant de ses deux mains son visage désolé et honteux.

Tous ceux qui entraient ou sortaient devaient passer sur lui. Sabadil remarqua que la plupart des hommes évitaient, en sortant, de le toucher du pied, tandis que les femmes, au contraire, foulaient son corps de leurs lourdes bottes, sans aucune pitié, la douce et belle Sofia, aussi bien que la pétulante Wewa, qui l’écrasa si brutalement, qu’il se tordit à son passage comme un ver, ou comme un malheureux condamné à périr foulé sous les pieds des éléphants.

« Où est Sukalou ? demanda Mardona, tandis qu’un sourire malicieux éclairait ses yeux et entr’ouvrait ses lèvres roses.

— Me voilà, petite mère, s’écria Sukalou. Qu’ordonnes-tu de moi, étoile d’or, rose de…

— Pas tant de paroles, interrompit Mardona ; à genoux et avoue ta faute.

— Moi ?

Sukalou se jeta à terre, baisa les pieds de la Mère de Dieu, et leva les mains vers le ciel.

« Je suis innocent, siège de toutes les béatitudes, colombe céleste, toi… »