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SASCHA ET SASCHKA.

La jolie fille se mit à rire.

« Ressemblerais-je par hasard à une comédienne ?

— Mais, puisque vous jouez un rôle ici, dans ce costume, répondit Sascha avec un peu plus d’assurance, vous pourriez aussi fort bien représenter un personnage étranger.

— Je l’ignore, mais vous qui paraissez être un théologien, à quel propos parlez-vous de théâtre ? »

Puis l’inconnue, faisant faire volte-face à son cheval, se mit en route à côté du jeune homme dans le chemin sablonneux de la forêt.

Ce dernier lui fit alors le récit de ses efforts pour créer la Société littéraire, son journal, le plan d’un théâtre pour les habitants de la Petite-Russie ; enfin il lui raconta la pièce qu’il venait de composer. Tirant ensuite des poches de sa longue soutane noire le dernier numéro de l’Aurore, il lui désigna le rôle qu’il devait jouer.

La jeune fille écoutait Sascha avec surprise et commençait à concevoir pour lui un certain respect.

« Tout est prêt, dit-il en terminant ; seulement nous n’avons personne pour remplir les rôles de femme, et je me disais que si par hasard, en considération du but élevé…

— Pourquoi pas ? repartit l’étrangère. Je suis prête à céder à vos désirs aussitôt que j’en aurai obtenu la permission de mes parents ; nous pourrons aussi enrôler ma sœur, et parmi mes amies il s’en trouvera bien une qui consentira à remplir le troisième rôle de femme. Mais il faut que vous veniez en demander l’autorisation, pour que nous vous prêtions notre concours.