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LA MÈRE DE DIEU.

— Oh non ! certes », répondit-il en rougissant.

Ils se turent tous deux et regardèrent les danses. Au bout d’un moment, Mardona demanda à boire.

« Veux-tu de l’eau ? lui dit Sabadil.

— Oui, va m’en chercher de la fraîche à la fontaine. »

Sabadil sortit précipitamment, rapporta une cruche pleine et versa de l’eau à Mardona dans une grande coupe de cristal taillé, qu’il lui tendit. Mardona y trempa les lèvres, et but avidement à grands traits. Lorsqu’elle en eut assez, elle rendit le verre à Sabadil sans le remercier, très calme. Elle était habituée à un accomplissement immédiat de chacun de ses désirs, sans même qu’elle prît la peine de les émettre. C’était pour ses disciples une faveur que de lui rendre un service ou de prévenir ses désirs. Bientôt après, elle se leva et descendit à pas lents les degrés de son siège. La musique se tut aussitôt.

« Je me retire, dit Mardona d’un ton fort doux. Dieu vous donne à tous une bonne nuit ! »

Les assistants, à l’exception de Sabadil, tombèrent à genoux. La Mère de Dieu étendit les mains sur leurs têtes inclinées, comme pour les bénir. Puis elle sortit avec une grande dignité.

Ceux qui étaient présents commencèrent à s’embrasser en se souhaitant mutuellement un bon repos. Sabadil sauta en selle et partit à travers champs. Tandis que son cheval gravissait, au pas, la petite colline, il se retourna et regarda derrière lui. Il aperçut Mardona, debout devant la porte de sa maison, et toute baignée de la clarté de la lune.