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LA MÈRE DE DIEU.

tandis que leur propriétaire porte des chemises en loques sous des vêtements de velours.

Sabadil, sans descendre de cheval, fit deux fois le tour de la métairie, puis se dirigea du côté des champs. Il commençait réellement à avoir une grande crainte de Mardona.

Lorsqu’il revint, un peu plus tard, il faisait sombre. Les fenêtres de la ferme étaient vivement éclairées. Des voix confuses s’élevaient à l’intérieur, dominées par des éclats de rire. Cela donna du courage à Sabadil. Il sauta de cheval, conduisit sa monture à travers la cour, l’attacha à un anneau rivé au puits, et, poussant la porte du vestibule, qu’il trouva entr’ouverte, il pénétra dans le corridor. Un sillon de lumière, à ses pieds, sur les dalles, lui montra le chemin. Il poussa à demi la porte de la chambre et demeura sur le seuil, sans bouger. Personne ne le remarqua. Il eut ainsi le temps d’examiner à son aise les paysans qui s’y trouvaient réunis.

Mardona était absente. Vis-à-vis de la porte il y avait des femmes et des jeunes filles occupées à égrener du maïs amoncelé en tas devant elles. Les hommes les entouraient, debout, une courte pipe aux dents, parlant très haut, avec de bruyants éclats de rire. Sabadil trouva que leur maintien et leurs manières n’offraient aucune particularité. Il se serait cru chez des paysans ordinaires au temps de la Wetsehernizi[1] ; seulement, ici, tout était plus élégant et plus luxueux que dans les habitations de son village.

  1. Veillées d’hiver, durant lesquelles les jeunes gens se réunissent pour filer et s’entretenir ensemble.