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LA MÈRE DE DIEU.

encore les grelots des chevaux qui paissaient dans la prairie, puis il s’endormit.

Lorsque Sabadil se réveilla, un frisson de fièvre le secoua. Il se leva, rejeta ses cheveux en arrière, et regarda autour de lui. Le soleil n’était pas levé. On ne voyait aucune lueur à l’horizon. Cependant l’obscurité était moins intense. Les étoiles pâlissaient. Le vent était vif et frais. Il soufflait à travers les arbres, dont les feuilles frissonnaient comme des bannières. Il faisait vraiment très froid.

Soudain une clarté livide passa dans la campagne et sur les pâturages ; les oiseaux se mirent à chanter dans les jardins et sur les arbres de la forêt, tous à la fois et joyeusement.

Des lumières parurent aux croisées de la métairie.

La porte s’ouvrit. Sabadil aperçut, agenouillée dans le corridor, une jeune fille occupée à laver les carreaux. Une bougie était placée près d’elle. Deux autres jeunes filles parurent, suivies d’une vieille femme ; toutes trois sortirent, et restèrent un instant à respirer l’air frais du matin, dans le jour pâle de l’aube naissante. Enfin, elle parut, celle que Sabadil attendait, et à qui tous semblaient obéir dans la maison, l’étrangère de la forêt. Elle sembla à Sabadil plus grande et plus majestueuse encore, sur le seuil de la porte encadrée de roses sauvages, dans ses hautes bottes de maroquin rouge et sa pelisse bleue bordée d’agneau. Sur la tête elle avait un foulard blanc noué en manière de turban. Elle s’assit sur un banc, dans la galerie, et parut surveiller le travail de ses compagnes.