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SASCHA ET SASCHKA.

ils puisaient l’un dans l’autre leur force et leur aliment, ses efforts tendirent à devenir un prince de l’Église, afin de pouvoir prendre la parole pour la délivrance de son pauvre peuple opprimé.

Il était encore bien éloigné du jour où il revêtirait la pourpre épiscopale, ce jeune homme débile et pauvrement vêtu, ce modeste philosophe au visage pâle dont le monde — sa chambrette — était éclairée par une petite lampe aussi chétive que lui-même. Pourtant il poursuivait toujours son rêve, quoi qu’il n’eût à sa disposition que des moyens insuffisants. Au séminaire il avait pour compagnons des jeunes gens à l’esprit vif, aux sentiments généreux, chez lesquels l’éloquence naïve de Sascha éveilla la courageuse idée de tenter les mêmes efforts que lui. Cinq élèves sans nom, sans protections, sans un sou vaillant dans leur poche, se réunissant au milieu du silence de la nuit dans une chambre solitaire du séminaire aux murailles dénudées et aux meubles en bois brut, à une heure où il était interdit de brûler de la lumière, et ayant pour unique flambeau le pur et mystérieux éclat de la lune, fondèrent une société littéraire qui avait pour objet la culture de leur langue mère et la vulgarisation de l’instruction. Dans la suite, deux autres étudiants en théologie se joignirent à eux, et les sept amis créèrent un journal et le firent passer de main en main parmi les séminaristes.

Les séances de la société littéraire se tenaient entre les leçons, sur les bancs de la salle de lecture, et, quand il faisait beau, elles étaient données sous le couvert de quelque sombre bosquet du jardin où seuls