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LA MÈRE DE DIEU.

Sabadil passa son bras autour des épaules de la jeune fille ; mais celle-ci se dégagea avec une telle douceur, une si grande dignité et une figure si sérieuse, que le jeune paysan n’osa renouveler ses caresses. Il recula de deux pas, très confus.

« Tu es peut-être mariée ? » dit-il au bout d’un instant, d’une voix très faible.

Elle secoua la tête avec un sourire imperceptible. Lui la considéra longuement. Quelle belle fille c’était ! Et non seulement elle était belle, mais encore elle avait une grande distinction et quelque chose de majestueux et d’imposant, bien qu’elle ne portât point haut la tête ; au contraire, elle la baissait humblement et avec une chasteté naïve. Non, sûrement, ce ne pouvait être une paysanne ! Sabadil, tout d’un coup, se sentit envahi par une grande gêne, quoiqu’il ne fût guère timide.

« On ne te prendrait pas pour une paysanne, à te voir, reprit-il.

— Je suis peut-être comtesse, répondit-elle avec calme.

— Non, tu es une sainte ! »

Elle ne répliqua rien, mais un sourire ironique passa sur ses lèvres roses.

« Quelles belles fleurs ! dit-elle tout à coup, et comme elles embaument ! Que disais-tu donc tout à l’heure ? Comme elles sont plus odoriférantes que l’encens ! »

Un regard suffit à Sabadil. Il comprit qu’elle désirait un bouquet de ces fleurs. Sans perdre un instant, il se mit à l’œuvre et rassembla une gerbe énorme et