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LA MÈRE DE DIEU,

merle sifflait sa vieille mélodie si douce et qui parle au cœur comme une de ces chansons populaires que les travailleurs chantent le soir dans la plaine.

Sabadil interrompait son travail de temps en temps et prêtait l’oreille. Enfin, son sifflet était terminé, un véritable sifflet galicien, long et mince comme une flûte de berger. Sabadil le porta à ses lèvres et en tira des sons clairs, puis des notes graves et plaintives, semblables à celles de la mélancolique Dumka. Les oiseaux arrêtèrent leur ramage, comme surpris par ces modulations langoureuses, si différentes de leurs cris joyeux et de leurs gazouillements poussés au soleil dans les rameaux verts des arbres.

Un long moment s’écoula avant que les petits oiseaux reprissent leur ramage et répondissent à Sabadil dans ce langage qu’ils tiennent depuis des milliers d’années, sans jamais en varier une seule note. Ils ne comprenaient pas Sabadil, mais Sabadil les comprenait, car son joli visage s’illumina soudain d’une joie candide et d’un sourire trop enfantin, presque, pour un homme de trente ans. Un lièvre arriva dans la clairière en trottinant. Il s’assit, dressa ses longues oreilles et regarda le paysan d’un œil surpris, puis il fit volte-face et disparut dans le fourré. Pendant un instant on n’entendit que le battement régulier du pic ; puis un cri perçant s’éleva dans le lointain. Sabadil se releva précipitamment. Il se dit que ce n’était pas un cri d’alarme, mais quelque oiseau d’eau occupé à pondre ses œufs dans les roseaux de la mare voisine. Cependant Sabadil, presque malgré lui, se dirigea du côté d’où le cri était parti. L’étang était proche, il l’atteignit en