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LA MÈRE DE DIEU.

après avoir terminé son ouvrage ; et, le dimanche après midi, il ne manquait jamais d’errer deux ou trois heures dans la forêt, dont les chênes puissants, les hêtres et les bouleaux frêles s’étendaient entre les villages de Solisko, de Brebaki et de Fargowiza-polna.

Les gens s’étonnaient de ne pas voir Sabadil à l’auberge, ou, comme il était garçon, de ne pas le voir se rendre derrière l’église, sur la plate-forme où la jeunesse dansait, les jours de fête, pendant que le vieux prêtre envoyait sa bénédiction du haut de sa chaire sur les fidèles et que l’orgue grondait sourdement en une longue plainte. Sabadil ne s’inquiétait pas de ce qu’on pouvait penser de lui. Oh non ! pas ça. Lui-même était surpris quelquefois de cette force irrésistible qui l’entraînait depuis si longtemps dans la solitude, sous les grands arbres.

Il y allait comme à une fête ; ses hautes bottes luisaient au soleil, son pantalon de fin drap bleu formait de larges plis, s’arrêtant au-dessous du genou ; sa blouse du même tissu, fort courte, était serrée par une belle ceinture de cuir qui lui servait à la fois de bourse et de blague à tabac, et où étaient suspendus son couteau, son briquet et sa pipe. Sur son bonnet d’agneau blanc se balançaient deux superbes plumes de paon.

Sabadil s’était arrêté au sortir du village. Il avait cru entendre le gazouillement suave d’une fauvette dans une grosse touffe de lilas en fleurs. Puis il avait pris à travers champs. On avait récolté une grande partie des grains ; mais le maïs était encore debout,