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SASCHA ET SASCHKA.

bruissement des feuilles des arbres séculaires se faisait entendre au dehors, et qu’une eau invisible coulait avec un murmure plein de mystère. C’est en vain que resplendissaient les étoiles, ces éternels flambeaux du sombre firmament, et qu’au sein des roseaux de l’étang brillaient des feux follets. Ce qui exerçait sur l’enfant un véritable prestige, plus puissant que ce qui se voyait ou s’entendait au dehors, c’était l’étincelle tombée un jour sur son âme paisible, et qui continuait à y brûler avec ardeur.

Parfois une goutte d’eau produit plus d’effet qu’une grande pluie ; un mot dit sans dessein et sans réflexion peut devenir une de ces paroles magiques qui donnent une impulsion irrésistible à toute une vie.

Autrefois le petit Sascha, fils aîné du curé[1] Alexandre Homutofko, ne s’était montré sous aucun rapport plus sérieux que les enfants de son âge ; il n’aurait jamais hésité à mettre de côté sa grammaire latine quand il s’agissait de prendre un nid d’oiseaux ; il aurait eu infiniment plus de plaisir à construire aux grillons des cabanes avec des branches d’arbres verts qu’à faire des figures géométriques sur un tableau noir, ou à monter un cheval de bataille, eût-il la forme d’un simple bâton, que de s’occuper des combats d’Alexandre le Grand.

Il en était là lorsqu’un nouvel évêque fut sacré dans le pays, et le jeune garçon, plus curieux que les autres, parvint à pénétrer jusqu’au pied du maître

  1. Il est d’usage dans l’Église catholique grecque que les ecclésiastiques se marient avant que les ordres leur soient conférés.