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SASCHA ET SASCHKA.

meura quelque temps dans une immobilité complète ; puis, relevant tout à coup la tête, il promena ses regards autour de lui avec un fier sourire. Il était vraiment à regretter qu’il eût pour unique témoin un mannequin servant d’épouvantail, qui, un vieux chapeau sur la tête, se dressait dans le champ voisin et semblait le regarder d’un air moqueur.

« Oh ! je sais bien ce que je ferai ! » s’écria Sascha avec un tel accent qu’il causa un grand effroi à une bande de moineaux, qui s’envolèrent avec bruit du milieu d’un champ, pour aller s’abattre sur un pommier.

Semblable à un Cosaque qui part pour la guerre la lance au poing, le curé leva sa grande canne et en perça le mannequin. L’image grotesque reçut une grêle de coups, de sorte qu’elle perdit bientôt tous ses membres, et finit par tomber à la renverse.

Le curé mit alors son bâton sur l’épaule, et, en véritable Hercule triomphant, il reprit fièrement et d’un pas leste le chemin du village en entonnant à pleins poumons un chant de guerre des Zaporogues :

Hourra ! Hourra ! Hourra-ha !
Sus sur l’ennemi, l’ennemi est là.

Quand il s’approcha de la maison de Silvaschko, celui-ci mit curieusement à sa petite fenêtre sa tête coiffée du vieux képi d’officier.

« Quelle chance que vous soyez là ! lui cria de loin Sascha ; j’ai besoin de vous, mon vieil ami.

— Quel air vous avez ! dit le lieutenant quand le curé entra chez lui.