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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

les tyrans de l’humanité triomphent ; la moquerie poursuit celui qui est honnête.

Il ne nous reste que la résignation, non celle qui se réfugie loin du monde dans les thébaïdes, mais celle qui présente au monde un front hardi et lutte sans relâche, pas pour elle, pas pour un seul peuple, mais pour toute l’humanité.

Puissions-nous mériter toujours que nos contemporains nous appellent rêveurs, esprits malades ! Ce qu’un homme a fait pour lui, ce qu’un peuple a pu conquérir, la marche du temps l’a toujours emporté ; mais les actions accomplies en vue de l’humanité, les paroles dites pour l’édifier, la consolider, sont comme les vérités qui versent sur tout leur lumière et leur bénédiction : elles sont éternelles.

Et toi, Allemagne, n’erres-tu pas aussi parmi les tombes, comme moi, et ne vois-tu pas s’éteindre l’un après l’autre tous tes feux sacrés ?

Non, car chose plus désolante encore, c’est toi-même qui les éteins. Ils ont brûlé assez longtemps t’éclairant dans ta route, et maintenant que tu es au but, tu n’as plus besoin d’aucune étoile, d’aucun idéal.

Tu as versé le sang, gagné de l’or, remporté des victoires, amassé des milliards, à quoi te servirait l’amour ?