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PARMI LES TOMBES

élégant costume noir, il avait quelque chose de solennel.

— Nous irons visiter aujourd’hui la tombe de votre mère, dit-il ; j’ai fait deux couronnes avec les fleurs de mon jardin et je les apporterai cette après-dînée au bureau de la Réforme.

— Je vous remercie de tout cœur, répondit Andor.

Le comte arriva en effet à deux heures, suivi de son étrange vieux domestique portant les deux belles couronnes. Ils se rendirent ensemble au cimetière, des milliers d’autres personnes suivaient le même chemin et se pressaient, se poussaient à la porte. Andor s’arrêta et parcourut de l’œil le tableau qui s’offrait à lui.

À la lueur des lumières, des lanternes tumulaires, le cimetière étincelait. Chacune des tombes innombrables avait été convertie en un petit jardin parfumé et dans l’espace entre elles les visiteurs ressemblaient à des fourmis affairées.

Les femmes étaient toutes en riche toilette. Même en cet endroit où la mort grimaçait de tout côté, elles ne pensaient qu’à plaire. En passant devant les messieurs parfumés, les officiers ceinturonnés debout à la grille, le monocle dans l’œil pour les passer en revue, elles riaient, caquetaient, se redressaient. Aux boutiques dressées pour la