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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

— Où est le médecin ? demanda Hanna.

Elle se releva laissant tomber son manteau de reine sur le parquet et se rapprocha du berceau à nouveau.

Dans ce mouvement, son regard se fixa par hasard sur la glace au-dessus du berceau, et elle aperçut son image. Elle se vit au lit de mort de sa fille en costume de bal, la gorge nue comme une hétaïre. Le frisson la prit et en même temps le dégoût du monde, d’elle-même.

Le médecin arriva, essuya ses lunettes mouillées, regarda l’enfant et haussa les épaules.

— Qui aurait pu prévoir cela ? La mort est venue si vite et pendant le bal, fit Hanna.

La remarque était sotte. Elle ne l’avait faite que pour dire quelque chose. La tête lui tournait et elle chancelait sur ses jambes. Elle s’assit sur un fauteuil près du berceau et son regard se perdit dans le vide.

— Oui, générale, répondit le médecin d’un ton amer, la mort n’était pas invitée.

Il s’inclina et sortit.

De retour chez lui, le général trouva sa femme toujours assise sur le fauteuil et fixant dans le vide, les yeux secs. Il arrivait un peu pris de vin et fredonnant un refrain. En voyant la figure pâle de son enfant, il s’écria :