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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

À bien des mères, à bien des baronnes, des comtesses, des princesses le cœur battit en ce moment. Sur toutes les lèvres tremblait cette question : avec qui va danser le roi ?

Mais le roi ne pensait guère à danser maintenant. Sans s’imposer la moindre contrainte, il se dirigea vers Hanna, lui offrit le bras et disparut, autant qu’un roi peut disparaître, avec la naïade dans un petit salon attenant à la salle de bal et paraissant avoir été aménagé en vue d’un semblable tête-à-tête. Le parquet était recouvert d’un épais tapis étouffant le bruit des pas comme de la mousse blanche et partout des plantes, des fleurs exotiques montant jusqu’au plafond, de sorte qu’il n’y avait place que pour un petit divan en velours. La lumière gaie éclairant la petite salle parfumée tombait d’une coquille transparente placée sur la couronne d’un palmier.

On dansa, on soupa, on redansa et pendant ce temps le roi semblait oublier auprès de la rusée jolie femme qui l’enchaînait lentement mais sûrement de ses charmes que le monde existât et surtout qu’il y eût des invités dans le palais Kronstein.

Personne n’osait déranger le tête-à-tête ; mais la médisance avait aussitôt fait son profit de l’aventure extraordinaire et elle faisait circuler déjà ces impitoyables propos auxquels nul n’échappe en